Inspirée des travaux sur la communication de Bateson ou Weakland, de l’approche psychothérapeutique de Milton Erickson, la thérapie orientée solutions est une approche inductive qui s’oriente vers ce qui est utile est générateur de solutions. En d’autres termes, alors que traditionnellement, une démarche de changement se penche sur les problèmes à résoudre, cette approche se centre sur les solutions à mettre en place : plutôt que « Pourquoi est-ce que ça va mal ? », le questionnement va être : comment faire pour aller mieux ? »
Perspective des points forts
Saleebey expose avec pertinence le pouvoir donné au patient dans ce qu’il nomme la perspective des points forts :
- En dépit des difficultés de la vie, toute personne possède des points forts qui peuvent être mobilisés pour améliorer sa vie. Les praticiens doivent respecter ces points forts et les directions dans lesquelles les patients souhaitent les appliquer.
- La motivation du patient s’accroît si l’accent est mis en permanence sur les points forts qu’il a révélés.
- La découverte de ces points forts requiert un processus d’exploration conjointe entre patients et professionnels ; même un praticien expert ne sait pas, en fin de compte, ce que les patients ont besoin d’améliorer dans leurs vies.
- Se centrer sur les points forts détourne les praticiens de la tentation de juger ou de blâmer les patients à propos de leurs difficultés, et les pousse à découvrir comment les patients ont réussi à survivre, même dans les moments les plus difficiles.
- Tous les environnements, même les plus sombres, contiennent des ressources.
Présupposés de l’orientation solutions
Bill O’Hanlon est un élève d’Erickson ayant axé son approche sur l’orientation solutions. Voici quelques présupposés énoncés dans son ouvrage « L’orientation vers les solutions » (Satas) accompagnés de commentaires.
- « Les patients ont des ressources et des points forts pour résoudre leurs problèmes ; » Souvent les patients, submergés par les difficultés de leur vie, perdent de vue leurs capacités à résoudre les problèmes. Ils peuvent simplement avoir besoin qu’on leur remette en mémoire des outils qu’ils possèdent déjà pour développer des solutions durables et satisfaisantes… dans d’autres cas, on peut les aider à accroître ou à aiguiser certaines de leurs capacités afin de mettre de l’ordre dans leur situation ». Erickson disait souvent : « il s’agit simplement de faire quelque chose que vous savez déjà faire ». La thérapie mobilise et/ou développe des ressources propres au sujet, déjà présentes. Pour paraphraser le titre d’un livre de L. Duncan, le patient est le héros de la thérapie.
- “Le changement est permanent » Si vous supposez que le changement est permanent, vous vous comporterez comme si le changement était inévitable. De manière verbale ou non-verbale, vous communiquerez aux patients l’impression qu’il serait étonnant que leur problème puisse persister…Pour nous, l’univers est un monde de changement. Les situations des gens changent en permanence, et c’est le regard qu’ils portent sur les situations qui reste le même quand ils signalent que rien n’a changé.” Ceci est une profession de foi que le thérapeute doit avoir assimilée pour qu’elle vienne imprégner l’intervention thérapeutique. Cet aspect oriente entre autres l’attention du thérapeute et du patient vers ce qui change. Tout change. Ceci induit que le changement est inévitable et qu’un problème qui persiste n’est plus alors qu’une question de point de vue.
- “Le rôle du thérapeute est de repérer et d’amplifier le changement” “En tant que thérapeutes, il est clair que nous avons un devoir. D’abord, celui d’être clair avec nous-mêmes ; et ensuite de rechercher chez les autres tout signe de clarté et de leur en donner acte, et de les renforcer dans tout ce qui est équilibré chez eux.” (G. Bateson 1972) La thérapie crée une réalité particulière ou ce qui est efficace est amplifié, ce qui ne l’est pas est laissé de côté comme des solutions inappropriées. Les patients sont installés dans un « encore plus de solutions inefficaces qui accentuent le problème », l’intervention doit les placer dans un « encore plus de solutions efficaces qui produisent des solutions » Erickson disait : « il ne faut pas une très grande brèche pour que toute la structure de la digue en vienne à changer »
- “En général, il n’est pas indispensable d’en savoir beaucoup sur le problème pour le résoudre.” Trop d’information peut « tuer l’information » : « nous avons remarqué que les thérapeutes restent souvent bloqués parce qu’ils ont trop d’informations (et non trop peu), ou trop d’informations sur le problème et pas assez sur la solution. » L’approche est orientée vers l’expertise du patient dans la résolution de son problème. Si on donne de l’importance au problème… il prend de l’importance. L’enquête doit être approfondie sur les solutions à mettre en place, disséquer la genèse de la difficulté n’est pas forcément nécessaire.
- “Il n’est pas nécessaire de connaître la cause ou la fonction d’un problème pour le résoudre.” Le « pourquoi ça va mal » sert peu à la mise en place de « comment faire pour aller bien ». Influence psychanalytique oblige, la culture de la personne et du thérapeute les orientent vers de tels présupposés (trouver la cause) alors qu’on peut tout à fait résoudre un problème sans en identifier la cause. Ce postulat de l’importance de la recherche de la cause est essentiellement sociétal mais n’a que peu de valeur en termes d’efficacité thérapeutique.
- “Un petit changement est la seule chose qui soit nécessaire : un changement dans une partie du système peut entraîner des changements dans une autre partie du système.” Les personnes sont souvent prises dans un cercle vicieux : un élément en a entraîné un autre, jusqu’à constitution d’un système entier qui dysfonctionne. La résolution du problème peut tout à fait suivre la même structure à travers un cercle vertueux : un changement en entraîne d’autres, fait « boule de neige ».
- “Les patients définissent les objectifs” Ercikson disait : « Chaque personne est un individu unique. La psychothérapie doit donc s’adapter pour aller à la rencontre de la spécificité de l’individu, et non façonner la personne pour qu’elle s’adapte au lit procustien d’une théorie hypothétique du comportement humain. » Il n’y a tout d’abord pas une manière juste ou valable de vivre sa vie. Ce qui est adapté pour une personne ne le sera pas pour une autre. Seul le patient connaît son domaine de définition. De plus, en lui permettant de fixer ses objectifs, on renforce sa position d’expert.
- “Il est possible d’obtenir des changements rapides ou de résoudre rapidement des problèmes.” Les attentes et croyances du thérapeute conditionnent le résultat de la démarche. La thérapie, influence psychanalytique oblige, présente la réputation d’être longue, tortueuse, difficile… Mais il peut tout à fait en être autrement si le thérapeute et le patient cocréent une réalité thérapeutique différente. Il n’y a que peu de rapport entre importance ou intensité d’un problème et vitesse de résolution.
- “Il n’y a pas une façon « juste » de voir les choses ; différents points de vue peuvent être aussi valables et s’adapter aussi bien au fait.” Toute représentation est valable, ce qui compte est son utilité en fonction de la résolution du problème : l’opinion des gens vis-à-vis de leur problème augmente ou diminue les chances de voir émerger des solutions. Les points de vue qui proposent des solutions sont utiles, les point de vue qui renforcent le problème ou le bloque sont inutiles. Le recadrage de points de vue inutiles est donc un outil puissant de changement.
- “L’intérêt est porté sur ce qui est réalisable et qui peut être changé, plutôt que sur ce qui est inaccessible et qui ne peut pas être changé.” Les objectifs doivent être bien définis et réalisables dans un délai raisonnable. On s’intéresse à ce qui peut être modifié, aux éléments les plus accessibles au changement. On préfère se centrer sur la réalisation d’objectifs modestes, qui auront des répercussions dans les autres domaines de vie. Les grandes conjectures psychologiques ont pour effet, en analysant et étiquetant un problème humain de le cristalliser, de l’augmenter et de le rendre chronique.
J. Boutillier